Fiston Mwanza Mujila

auteur

Considéré comme l’une des nouvelles voix de la littérature congolaise, Fiston Nasser Mwanza Mujila est né en 1981 à Lubumbashi en République Démocratique du Congo. Il vit actuellement à Graz en Autriche où il a terminé des études de lettres et de Sciences Humaines en 2007. Il prépare actuellement un doctorat sur la littérature congolaise. Il a obtenu de nombreux prix dont la médaille d’or de littérature aux VI jeux de la Francophonie à Beyrouth et le prix de la littérature de la ville de Graz en 2014.

En même temps que ses humanités littéraires et des études universitaires en Lettres et Sciences Humaines, il participe régulièrement aux activités littéraires organisées dans sa ville natale (Libre-écrire, Fabrik Artistik…), à Kinshasa (Ecritures Kinoises au Tarmac des Auteurs, stages d’écriture animés par Sonia Ristic, Gustave Akakpo, Guy Régis Junior, Olivier Coyette…) et à l’étranger (Festival International de Littérature Kwani à Nairobi et Lamu, Manifestation Yambi en Belgique…).

Tram 83 est son premier roman publié aux éditions Métailié en 2014 et traduit depuis en huit langues.

Extraits d’entretien avec l’auteur

Que représente cette « Ville-Pays », capitale de tous les dangers, au coeur d’une Afrique en déliquescence, jetée en pâture à tous les exploiteurs, grands ou petits, qui se rencontrent ou s’évitent au Tram 83, haut lieu de perdition ?

C’est un exercice périlleux que d’interpréter son propre texte tout comme de parler de sa maladie. Je suis maître de mon roman aussi longtemps qu’il traîne encore dans mon ventre. Dès la parution, il revient au «peuple» d’en disséquer le contenu…

Selon moi, et ma lecture peut-être fausse, la Ville-Pays incarne un monde qui s’effondre (1). Je suis addict à la Bible, surtout à l’Ancien Testament. La Ville-Pays puise dans Sodome et Gomorrhe, ville-bordel de toutes les libertés mais également de la prise de conscience qu’on s’appartient et que l’on peut se livrer à toutes les hérésies n’en déplaise Mvidi-Mukulu (2).

Je voulais aussi à travers cette peinture, raconter mon pays, le Congo ou le Zaïre, appelez-le comme vous le voulez, qui se dérègle. Je m’abstiens à vous faire la topologie de la violence caractéristique de l’ex-colonie belge.

Cela étant dit, Tram 83 n’est ni une peinture fidèle de l’Afrique ni un essai politique.

Pourquoi avoir choisi ce titre relativement énigmatique par rapport à l’Afrique, Tram 83 ? Lucien écrit sur son calepin : « Ceci n’est pas un bar. Où iront-ils se défouler lorsqu’il n’y aura plus de femmes à portée de leurs fantasmes ? (…) Où iront-ils noyer leurs déboires lorsqu’il n’y aura plus où se saouler la gueule ? » Ces questions traduisent le désarroi de Lucien. Mais qu’en pense l’auteur lui-même, sans passer par l’alibi d’un personnage romanesque ?

La ligne 83 du Tram de Bruxelles a été inaugurée le 30 juin 2008 et n’est opérationnelle que la nuit. Le Congo a arraché son indépendance le 30 juin. Les personnages du roman se défoncent pendant la nuit, au Tram 83…

Lucien s’emmêle les pinceaux. Les habitants de la Ville-Pays savent que dans ces pays qui n’existent que dans les manuels de géographie, l’existence est dérisoire, l’espérance de vie un bien gros mot. Alors vivent-ils (leur vie) jusqu’à la dernière sueur d’autant plus que rien ne prouve que dans l’au-delà on écoute du jazz, on boit la Primus ou la Skol (3) et on danse la bonne rumba. Qu’y a-t-il de mal à cela ?

Est-ce que le fait d’aborder pour la première fois une oeuvre romanesque t’engage vers de nouvelles pistes littéraires visant uniquement à faire fructifier tes talents de romancier ? Ou continueras-tu également à écrire des poèmes et des nouvelles, sachant que leur publication en recueils est plus aléatoire et plus confidentielle ?

Un premier roman est une belle expérience dont la récidive est nécessaire. Tout dépendra de ce que j’aurai à dire… J’écris des poèmes, des nouvelles et des pièces de théâtre depuis de nombreuses années. Si j’envisageais l’écriture dans une perspective commerciale, je me serais essayé au roman depuis longtemps. Certes le roman présente d’énormes avantages en matière de visibilité et de vente mais cela ne justifie pas le choix d’un genre littéraire. À partir du moment où on aborde la littérature en terme de tirage, on n’est plus dans la littérature. On est dans le business. Et la meilleure façon de se remplir les poches rapidement ne serait-elle pas d’ouvrir une boîte de nuit à Luanda ?…

1 : Le monde s’effondre : référence au roman de Chinua Achebe.
2 : Mvidi Mukulu : en luba, signifie Esprit-Aîné, Dieu.
3 : La Primus et la Skol : des bières congolaises.

Biographie mise à jour le 12 mai 2017

© Philippe Matsas

Projet(s) associé(s) :

  • Bibliographie

  • Tram 83
  • éditions Métailié, Paris, 2014.